Chine (Groupe C)
Les Chinois ne se font guère d'illusions (01/06/2002)
Ils ont 36 ans, tapaient déjà dans un ballon à l’école primaire et leur équipe joue tous les samedi mais Su, Li, Pi et Zhang ne fondent pas de grands espoirs dans l’équipe nationale chinoise, qualifiée pour la phase finale du Mondial-2002 de football, une première.
Même si la sélection emmenée par l’entraîneur serbe Bora Milutinovic est éliminée à l’issue des trois premiers matches du groupe C contre le Costa Rica, le Brésil et la Turquie, «on ne sera pas déçus, on ne versera pas de larmes», déclare Li Xin, milieu de terrain le samedi et commercial du lundi et au vendredi dans une entreprise de distribution de boissons.
«Si la Chine participe à la phase finale de la coupe du monde, c’est parce qu’elle a eu de la chance. Si elle n’était pas dans le groupe Asie, elle n’aurait même pas été sélectionnée», renchérit Pi Guofang, propriétaire d’un magasin de cigarettes à Fangzhuang, dans le quartier où les quatre ont grandi.
Les amateurs portent en revanche aux nues Milutinovic, alias Milu: «Il a introduit de nouvelles techniques et il a appris aux joueurs à se faire plaisir, ce que personne n’avait fait avant lui», explique Pi.
Récemment, le football s’est beaucoup développé en Chine grâce à la presse spécialisée et à la télévision, et les amateurs chinois suivent souvent de très près les championnats italien, anglais, allemand ou espagnol.
«Les Chinois connaissent aussi bien le foot que les publics européens», estime Su Yu, qui joue arrière gauche, «à la place de Lizarazu».
Mais trouver un terrain est devenu plus en plus difficile au fur et à mesure que le boom de l’immobilier a raréfié les espaces vacants dans la capitale chinoise. «A l’époque, on a démarré sur les terrains appartenant à notre école. Ils ont tous été vendus, et les enfants n’ont plus d’endroit pour jouer», déclare Pi.
Louer un terrain de football coûte aux alentours de 1.500 yuans (210 euros) pour un match, l’arbitre et ses assistants inclus. Après le match hebdomadaire, l’équipe va au restaurant. Repas compris, leur passion leur revient chacun à 300-400 yuans (40 à 50 euros) par mois. A cela, il faut ajouter le loto sportif, pour lequel Pi dépense 700 à 800 yuans (une centaine d’euros), soit à peu près 20% de ce qu’il gagne.
«On s’était perdu de vue après l’école et on s’est retrouvé grâce au foot», raconte Zhang Guoquan, aujourd’hui commercial dans une entreprise singapourienne et milieu de terrain à ses heures de loisir.
Vecteur du nationalisme, le football en Chine est également le reflet des inégalités sociales. Pour offrir à leurs enfants un apprentissage intensif, les riches envoient leur fils dans des internats qui coûtent la bagatelle de 20.000 yuans (2800 euros) par an. Pendant ce temps, aucun club n’est prêt à accepter gratuitement un gamin qui a du talent, mais pas d’argent, comme cela se pratique dans les pays occidentaux.